[Certaines d'entre vous reconnaitrez peut être ce texte...]
Je me promenais dans les jardins de Saint Cyr lorsque je la vis : celle que j’avais toujours aimée et que j’aimerais toujours, celle qui avait été si gentille avec moi et qui avait passé son enfance au château de mon père, Maëlle. Je levai par hasard ma tête, que j’avais jusque-là tenue inclinée, et j’aperçus devant moi, si près que j’aurais pu la toucher, quoique en réalité elle fût à une assez grande distance et de l’autre côté du jardin, une jeune femme d’une beauté rare et vêtue avec une magnificence royale.

Elle se détachait sur ce fond d’ombre comme une révélation angélique; elle semblait éclairer d’elle-même et donner le jour plutôt que le recevoir. Je baissai la paupière, bien résolu à ne plus la relever pour me soustraire à l’influence des objets extérieurs ; car la distraction m’envahissait de plus en plus, et je savais à peine ce que je faisais.
Une minute après, je rouvris les yeux, car à travers mes cils je la voyais étincelante des couleurs du prisme, et dans une pénombre pourprée comme lorsqu’on regarde le soleil. Oh ! Comme elle était belle ! Les plus grands peintres, lorsque, poursuivant dans le ciel la beauté idéale, ils ont rapporté sur la terre le divin portrait de la Madone, n’approchent même pas de cette fabuleuse réalité. Ni les vers du poète ni la palette du peintre n’en peuvent donner une idée.

Elle était assez grande, avec une taille et un port de déesse ; ses cheveux, d’un blond roux, se séparaient sur le haut de sa tête et coulaient sur ses tempes comme deux fleuves d’or ; on aurait dit une reine avec son diadème ; son front, dune blancheur bleuâtre et transparente, s’étendait large et serein sur les arcs de deux cils presque bruns, singularité qui ajoutait encore à l’effet de prunelles
vert de mer d’une vivacité et d’un éclat insoutenables. Quels yeux ! Avec un éclair ils décidaient de la destiner d’un homme.

Isabeau qui venait de faire la connaissancede Maëlle se promenait avec elle dans les jardins, elles parlaient de tout et de rien.
Soudain en croisant un des écuyers au détours d'une allée de buis Maëlle s'arreta et de dit plus un mot ......
Maëlle qu'est ce qui t'arrive ??? dit Isabeau inquiète

[Oh là là ! Deux moi de retard, je me dépêche de répondre, je suis désolée Isabeau.]
Isabeau me tira de mes rêveries qui étaient devenues insupportables. Seulement, aucun mot ne voulait sortir de ma bouche à demi ouverte. Je voulais lui dire que tout allait bien, que ce n'était qu'un petit malaise tout au plus. Aucun mot ne pouvait sortir, il m'avait...hypnotisée, ensorcelée. Tel une sorcière l'aurait fait pour soutirer de l'argent à ses clientes. Notre promenade me sembla plus longue que d'ordinaire. Je ne savais pas ce que faisait les maîtresses et je n'en avais rien à faire. Tant mieux si elles n'avaient pas vu l'heure ou je ne sais quoi encore, je pouvais profiter de cet instant.
Isabeau semblait inquiète lorsqu'elle me ramena à moi, je m'empressais de la rassurer :
-Tour va bien mon amie, juste un petit instant inattention. Poursuivons notre promenade. Dis-je d'une voix qui me sembla rassurante mais fausse, j'espérais que mon amie ne s'en rendrait pas compte.
Nous avançâmes et Alexandre nous suivait de loin, je le voyais. Cela me rassura. Il m'avait reconnue et semblait intéresser à ma petite personne. Je ne lui faisait pas honneur dans cette tenue si simple mais il était... Envouté. Je ne savais pas à cause de qui, de moi sans doute, que je suis bête. Ou peut-être intéressait-il à Isabeau ? Je ne le savais pas. Le seul fait qu'il soit près de moi me suffisait.