[Certaines d'entre vous reconnaitrez peut être ce texte...]
Je me promenais dans les jardins de Saint Cyr lorsque je la vis : celle que j’avais toujours aimée et que j’aimerais toujours, celle qui avait été si gentille avec moi et qui avait passé son enfance au château de mon père, Maëlle. Je levai par hasard ma tête, que j’avais jusque-là tenue inclinée, et j’aperçus devant moi, si près que j’aurais pu la toucher, quoique en réalité elle fût à une assez grande distance et de l’autre côté du jardin, une jeune femme d’une beauté rare et vêtue avec une magnificence royale.
Elle se détachait sur ce fond d’ombre comme une révélation angélique; elle semblait éclairer d’elle-même et donner le jour plutôt que le recevoir. Je baissai la paupière, bien résolu à ne plus la relever pour me soustraire à l’influence des objets extérieurs ; car la distraction m’envahissait de plus en plus, et je savais à peine ce que je faisais.
Une minute après, je rouvris les yeux, car à travers mes cils je la voyais étincelante des couleurs du prisme, et dans une pénombre pourprée comme lorsqu’on regarde le soleil. Oh ! Comme elle était belle ! Les plus grands peintres, lorsque, poursuivant dans le ciel la beauté idéale, ils ont rapporté sur la terre le divin portrait de la Madone, n’approchent même pas de cette fabuleuse réalité. Ni les vers du poète ni la palette du peintre n’en peuvent donner une idée.
Elle était assez grande, avec une taille et un port de déesse ; ses cheveux, d’un blond roux, se séparaient sur le haut de sa tête et coulaient sur ses tempes comme deux fleuves d’or ; on aurait dit une reine avec son diadème ; son front, dune blancheur bleuâtre et transparente, s’étendait large et serein sur les arcs de deux cils presque bruns, singularité qui ajoutait encore à l’effet de prunelles
vert de mer d’une vivacité et d’un éclat insoutenables. Quels yeux ! Avec un éclair ils décidaient de la destiner d’un homme.